Claus & Clausen by Gaspar Claus & Casper Clausen

The first collaboration of Gaspar Claus & Casper Clausen : "Claus & Clausen"

C’est au début de l’année 1954, à Lisbonne, que Hans-Gerd Claus et Helmer Clausen ont croisé les destinées de leurs petits fils Gaspar et Casper. Ils n’ont pourtant échangé aucune parole, pas un regard, et se sont séparés sans réaliser avoir passé ces quelques minutes côté à côte, subjugués par un des trois rois mages installés au coin d’une rue, au pied du Bairro Alto. Au même endroit, au même instant, regardant le même visage, ces deux hommes - qui avaient des raisons totalement différentes d’être présents à Lisbonne - ont senti une émotion vertigineuse les envahir, une sensation de familiarité extrême, mêlée de ce que l’on ressent lorsque l’on tente de penser l’infini.
Tous deux ont consigné plus tard dans leurs journaux de voyage cet instant. L’un parlait de Gaspar pour désigner ce roi, l’autre l’appelait Casper.
Les enfants de Hans-Gerd et ceux de Helmer, les premiers en Allemagne, les autres au Danemark, ont tous été bercés par ces carnets de voyage. Le passage décrivant ce moment d’émotion, dans un cas comme dans l’autre, était si intense que la figure de Gaspar ici, et celle de Casper là-bas, se sont profondément inscrites dans l’esprit de cette progéniture.

Casper Clausen est né par une froide nuit d’hiver de l’année 1982, au Danemark.
Gaspar Claus est né par une chaude journée d’été de l’année 1983, en France.

L’un vit la nuit, l’autre le jour.

Le destin les a régulièrement rapproché mais ces deux là sont à tel point complémentaires, remplissent si bien l’espace que l’autre n’occupe pas, que chaque opportunité de rencontre fut refusée, dans la plus grande ignorance.

On sait aujourd’hui qu’à l’adolescence ils ont passé une semaine entière dans une même demeure sans jamais se croiser. Etrangement, Gaspar se couchait toujours lorsque Casper s’éveillait. Et vice-versa.
D’autres moments ont été relevés. Comme ce jour où, devenus musiciens, leurs groupes furent invités à jouer au même festival, le même jour, à la même heure mais sur deux scènes différentes. On peut être certain que leur curiosité naturelle les aurait poussé à aller s’écouter l’un l’autre s’ils n’avaient pas joué en même temps.

C’est en 2014, au mois de décembre, alors que Gaspar & Casper passent des vacances familiales chez leurs grands parents respectifs que leur seul ami commun, le cinéaste voyageur Vincent Moon fait ce rêve étrange, depuis Rio de Janeiro où il est installé depuis quelques mois seulement. Il pense d’abord que les personnages de son rêve sont brésiliens, car ils parlent portugais. Mais au fil du rêve, il devient clair que c’est à Lisbonne que la scène a lieu.
Deux vieillards, beaucoup trop vieux pour être encore de ce monde, descendent la même longue rue, mais chacun sur son trottoir, comme dans deux dimensions qui ne peuvent se croiser. Tous deux portent une demi-lune à la main. L’une est glaciale comme la nuit, l’autre brûlante comme le jour. Au bout de cette rue les trottoirs se rejoignent, la rue se ferme. Un homme se tient là, debout. Il porte une grande robe de tissage noble.

À ses pieds un tourne-disque tourne, à vide.

Cette même nuit, au Danemark et en Allemagne, les carnets de voyages des aïeux de Gaspar et Casper sont exhumés. Ils sont pour la première fois saisis par la beauté des textes à l’origine de leurs prénoms. Le lendemain ils envoient chacun une transcription de ces deux textes à leur ami Vincent Moon.

Quelques semaines plus tard, on sait que les trois ont pris un avion pour Lisbonne.
Personne ne se souvient de ce qui a eu lieu là bas au mois de février 2015. Ils sont revenus, joyeux et surpris, un disque en main.